Le cinéma, de l’école du soir aux Ecrans Noirs !
S’il était donné de nous remémorer les grandes leçons reçues, l’on remarquerait qu’elles venaient presque toujours après une erreur, celle de soi ou celle d’autrui. Et le donneur se muait alors en observateur avertit, muni d’une expérience à toute épreuve, pour livrer la lumière à l’égaré. L’enfant prodige avait donc le choix, de suivre la voix à lui indiquée par la lumière de la sagesse, ou de se laisser guider par l’assurance aveugle de sa jeunesse.
Toujours est-il que dans ce flot de choix aussi convaincants les uns que les autres, la science nait de l’expérience. Cette dernière, est le résultat de plusieurs tests, qui à termes, permettent de parvenir à la formule, ou à une formule permettant de résoudre un problème. Que de problèmes alors peut-on dénombrer dans la société actuelle ! Entre la dépravation qui gagne du terrain, et l’imposture généralisée qui devient une règle établie, c’est à se demander si l’on avance à reculons.
Et en reculant, l’on reviendra sans doute aux sources, à la source. Que trouvera-t-on alors, si ce ne sont les préceptes, contes et fables de nos grands-parents, qui nous ont montré une partie du chemin, avant que nous ne nous laissions appâter par l’air exquis de la nouveauté ? Entre nouveauté et retour aux sources, le seul moyen aujourd’hui de remettre les pendules à l’heure, est d’utiliser les mêmes outils qui plongent la société dans sa décrépitude. Et dans le lot, nous tirons le cinéma.
Si point n’est de coïncidence, puisque nous parlons des Ecrans Noirs dans leur 27e jet, il faut mettre au centre de la table, le thème de la présente édition. Formulé comme une interrogation affirmative ou négative selon les points de vue, l’on y perçoit un besoin de redéfinir les choses, comme pour faire table rase. Alors, « Le cinéma, toujours une école du soir ? ».
Aucune réponse ne peut réunir l’essentiel des avis, puisqu’à l’image de la variété des intelligences et de leurs spécialités, les points de vue sont également partagés sur la question. Et la question est plus que jamais d’actualité, dans un contexte où le narratif de l’Afrique reste à son désavantage, malgré sa résistance de plus en plus présente. La question trahit une urgence, dans un contexte où le cinéma, vecteur de science, de savoirs et de culture, tend à aliéner ses enfants.
Les enfants qui au soir, sont envoyés au lit pour permettre aux adultes de tabler sur les questions urgentes, sacralisent les rares moments où ils peuvent y assister. Et au lieu des réunions aux discussions intelligibles, ils ont droit à des histoires, des contes et fables, digestes certes, mais lourds d’enseignements. Cette école du soir, est le résultat de l’observation des sages, qui enseignent ainsi pour redresser ce qui est tordu, guider celui qui est perdu, rappeler la mémoire qui guide l’avenir.
Le cinéma a à bien des égards cette faculté, ce caractère. Le réalisateur reproduit une réalité, et tente dans le principe, de dispenser des enseignements. Le cinéma est, mieux que la traditionnelle école du soir un support qui rend l’enseignement immortel. Mais ce cinéma peut être corrompu, et devenir une mauvaise école, avec un effet néfaste sur les masses qui le consomment.
Le Festival Ecrans Noirs cette édition, vient par cet aphorisme de Sembène Ousmane, questionner la nature intrinsèque du cinéma. Cette interrogation permet de le redéfinir, et de redistribuer les rôles. Car si le cinéma perd de sa valeur éducative, c’est la société entière qui en patira.
Sachant que la réussite comme l’échec seront le lot de tout le monde, l’heure est venue de se poser les bonnes questions, mieux, de prendre de fermes résolutions. D’une part, le cinéaste doit prendre conscience de son rôle, et être un vecteur de science, un pasteur de la sagesse. De l’autre côté, le cinéphile doit prendre ses responsabilités, et ne point gober tout ce qui vient. Il est responsable de ce qu’il regarde, visionne et consomme.
Au-delà des débats qui se tiendront du 14 au 21 Juillet 2023 dans le cadre du festival, ceci n’est qu’un aperçu des traitements qui peuvent être faits de ce sujet, qui donnera au cinéma africain des prochains siècles, la ligne à suivre. D’ici à là, la réflexion se poursuit. Et vos avis sont attendus.
D’après vous, le cinéma est-il toujours une école du soir ?
Yvan Lionel ONDOA
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