Sidiki Bakaba, Monument et mémoire du Cinéma africain et mondial
Sa longue et riche carrière de cinéaste et d’homme de culture lui a valu l’hommage du Festival Ecrans Noirs 2020 dont il a été l’invité d’honneur. C’est avec un chapeau de cowboy et des lunettes aux couleurs du Festival, que Sidiki Bakaba fait ce 3 novembre 2020, son arrivée sur le site du Village des Ecrans Noirs au Palais Polyvalent des Sports de Yaoundé. L’Ecran d’honneur de la grand-messe du cinéma en Afrique centrale avance d’un pas assuré et brille du charisme de ceux que plus rien n’ébranle. Chacun de ses pas le rapproche de la salle où sera projeté, en guise d’hommage, un de ses films. Mais avec chacun d’eux aussi, Le fils prodige d’Abengourou, en Côte d’Ivoire, laisse derrière lui une immense et riche carrière de cinéaste et d’homme de culture. Pour dire le moins, Sidiki Bakaba est un personnage pluriel. Acteur, scénariste et réalisateur, le Franco-Ivoirien âgé de 72 ans est l’un des plus prolifiques de sa génération. De « Visages de femmes » de Désiré Ecaré en 1972 à « YAFA (le pardon) » de Christian Lara en 2018, Sidiki Bakaba a contribué, à différents niveaux, à la production de près de 25 œuvres cinématographiques, décrochant au passage autant, sinon plus de distinctions. A l’actif de ce polyglotte en français, anglais, malinké, bambara et dioula, il y a des rôles remarqués dans « Bako, l’autre rive » de Jacques Champreux en 1977, dans « Le professionnel » de Georges Lautner en 1981 où il partage même l’affiche avec Jean Paul Belmondo, ou encore dans « Les guérisseurs » qu’il réalise en 1988. Grâce à son talent et sa capacité à se réinventer, l’acteur incarne à l’écran depuis 1972 plusieurs personnages. Il peut ainsi jouer un commissaire dans « Roues libres » (2002), ou un intellectuel acculturé dans « L’aventure ambiguë », projeté pendant le Festival. C’est sans doute un autre hommage à l’immortel Manu Dibango qui a composé la musique du film et avec qui il avait une relation spéciale. Du reste, il est difficile de ne pas relever les similitudes entre le héros de l’œuvre de Cheick Hamidou Kane, Samba Diallo, et Sidiki Bakaba qui l’incarne à l’écran. Prémices Tout commence en effet pour « Bakabousse » (comme l’appelle Gérard Essomba, un autre géant du cinéma africain) par une passion indicible pour le théâtre et un amour presqu’irrationnel pour la langue française. Sans doute est-il influencé par de belles voies telles Douta Seck, Bachir Touré, Toto Bissainthe… Mais, il est hors de question pour ce fils et petit-fils de marabouts, de déclarer sa flamme pour les planches. N’eût-été alors l’intervention énergique d’un oncle maternelle, comme l’a fait pour Samba Diallo, la Grande Royale, Sidiki Bakaba ne serait pas allé poursuivre ses études secondaires à Abidjan où il peut enfin donner libre cours à sa passion. A l’âge de 13 ans, nous sommes en 1962, le jeune ambitieux entre alors à l’école d’art dramatique d’Abidjan où il fait ses premiers pas dans « Un nommé Judas » de Louis Sapin. Depuis lors, le féru d’équitation et de trapèze n’est jamais redescendu de son nuage. Mieux encore, après avoir joué et réalisé plusieurs chefs d’œuvre, il transmet désormais sa passion et son savoir-faire à la jeune génération. Depuis 1972 de fait, l’ancien étudiant de l’Institut national des arts d’Abidjan y enseigne l’expression corporelle. Mais il le fait également à Paris où il s’est exilé avec son épouse depuis la crise post-électorale de 2011 en Côte d’Ivoire. Avant cela, Sidiki Bakaba a dirigé de 2000 à 2011 le Palais de la Culture d’Abidjan, comme il y a créé l’Actor Studio. De sa voix charismatique, il a d’ailleurs donné un aperçu de son expertise lors d’un Masterclass aux Ecrans Noirs 2020. Pour le reste, le monument et la mémoire du cinéma africain est de nouveau à l’affiche d’un film. Avec « Belmondo l’influenceur » dont la première est prévue ce 10 novembre 2020 sur Paris Première, Sidiki Bakaba entre encore plus au Panthéon du cinéma français, africain et mondial. Théodore Ayissi Ayissi
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